En empêchant l’artiste congolais de se produire dans la capitale française, les « combattants » se trompent de cible et délégitiment leurs actions.
Ils avaient prévenu depuis plusieurs semaines à coups de vidéos et de manifestation devant la salle de concert la Cigale : le concert de Fally Ipupa du 22 juin n’aurait pas lieu. Mercredi 21 juin, la nouvelle est tombée. Parce qu’elle craignait des « troubles graves à l’ordre public », une agression du chanteur, des spectateurs, ainsi que des mouvements de panique dus à l’utilisation de gaz lacrymogène, la préfecture de police de Paris a interdit la manifestation.
Les « combattants », des groupes d’opposants congolais radicaux en exil s’en prennent violemment depuis une dizaine d’années à tous ceux qu’ils estiment proches de Joseph Kabila, sans grand discernement. Il y a six ans, ils avaient par exemple roué de coups à Bruxelles le président du sénat congolais, Léon Kengo Wa Dondo. Âgé de 76 ans, ce « traître » à leurs yeux, aurait pu succomber à ses blessures. En 2015, ils avaient aspergé de ketchup l’ambassadeur de la RDC Christian Atoki Ileka.
Les artistes comptent aussi parmi leurs cibles. Werrason ou Koffi Olomidé, trop proches du régime à leur goût, sont menacés à chacune de leur sortie. JB MPiana, dont un « concert caritatif » était prévu au Zénith de Paris en 2013 n’a finalement pas quitté le pays, les combattants qui lui promettaient « l’apocalypse » ayant obtenu l’annulation du concert. En réussissant à empêcher une nouvelle fois une des plus grandes stars de la musique congolaise de se produire en Europe, le petit groupe a donc une nouvelle fois gagné.
Une annulation injuste, inutile et incompréhensible
Triste victoire, d’abord parce qu’elle semble douloureusement injuste pour qui suit la carrière de Fally Ipupa. L’artiste, à l’inverse de beaucoup de confrères (Félix Wazekwa, JB Mpiana, Papa Wemba, Werrason, entre autres), n’a jamais fait l’éloge du président de la République congolaise. Mieux : dans son titre de 2013, Stop la guerre, il envoyait un message fort et patriotique. Et comment lui reprocher de ne pas plus élever sa voix contre le régime lorsque l’on a soi-même préféré quitter le pays ? Fally Ipupa, via sa fondation, combat à sa manière en luttant pour la santé, l’éducation, et contre le mal-logement. Tous les bénéfices de la date du 22 juin devaient être reversés à l’Unicef.
Triste victoire ensuite parce que cette annulation est absurde. Elle n’aura aucun impact politique, ne provoquera pas le départ anticipé de Kabila ou même de remous en RDC. Si la finalité est bien de déstabiliser le régime, la méthode n’est donc pas la bonne. Notons d’ailleurs que les combattants sont eux-mêmes divisés sur l’attitude à tenir. Une partie d’entre eux, à Paris, dans un groupe baptisé « Afrika Surprise », a assuré l’artiste de son soutien.
Cette annulation dessert en réalité les « combattants » en suscitant la colère du public français et de la diaspora
Injuste, inutile, et incompréhensible pour qui ne suit pas la politique congolaise, cette annulation dessert en fait le mouvement radical en suscitant la colère du public français et de la diaspora. Et l’on peut s’étonner que la préfecture de police de Paris se laisse si facilement intimider et ne prenne pas de mesure plus dure contre un mouvement qui empêche régulièrement des artistes de s’exprimer sur le territoire français.
Quel que soit leur camp, les censeurs seront toujours du mauvais côté.
Source: JMTV